vendredi 22 juin 2012

Critique littéraire : Ikebukuro West Gate Park vol. 1

Pour la première fois sur mon blog, je vais vous présenter un livre (japonais bien entendu) qui m'a beaucoup marqué. Il s'agit du premier volume d'Ikebukuro West Gate Park de l'écrivain Ishida Ira, publié en 1997 au pays du Soleil Levant. Par le biais de quatre histoires, nous découvrons le quartier d'Ikebukuro à travers les yeux de Makoto, le personnage principal. Un quartier dans lequel la violence est omniprésente.

Majima Makoto a 19 ans. Il habite Ikebukuro, un quartier très agité de la ville de Tokyo. Makoto est un ancien délinquant bien connu des services de police du quartier. Ce n’est pas un méchant gars, juste une ancienne « petite frappe ».

Makoto n’est pas con, mais comme beaucoup d’adolescents de son âge, il ne sait pas vraiment ce qu’il veut faire de sa vie. Il a au moins terminé ses études dans un lycée professionnel d’Ikebukuro. Mais Makoto ne fait qu’une seule chose de ses journées : il glande. Parfois, pour se faire un peu d’argent de poche, il aide sa mère dans son magasin de fruits et légumes.

Makoto habite à cinq minutes à pied du square d’Ikebukuro sortie ouest (Ikebukuro West Gate Park en anglais). C’est dans ce square qu’il occupe la majorité de son temps. Il y rejoint ses amis, y rencontre des filles… Ikebukuro West Gate Park est situé à la sortie ouest de la gare d’Ikebukuro. On y croise des petites « cailleras », des jeunes à la dérive et autres jeunes filles « proprettes » qui se prostituent à l’occasion...


C’est dans ce parc que Makoto rencontre Hikaru et Rika, deux filles qui changeront le cours de sa jeune existence. De jeune glandeur, Makoto va devenir un efficace « solutionneur d’embrouilles », ou détective privé amateur, lorsqu’une de ses amies se fera assassiner par celui qu’on appelle « l’Étrangleur d’Ikebukuro ».

Voilà, la table est mise. Ikebukuro West Gate Park est un roman d’Ishida Ira, publié en 1997. C’est le premier tome d’une trilogie. Ce premier volume a remporté le prestigieux prix Oru Yomimono, grand prix de littérature policière au Japon.

Le livre est divisé en quatre parties. Chaque partie raconte une histoire bien distincte. On y voit Makoto, le personnage principal et narrateur, évoluer dans le monde des gangs de rue et des yakuzas.

Le roman est écrit dans un style très incisif et descriptif. Makoto a le sens du détail. Il nous décrit avec une très grande minutie les moindres recoins de son cher quartier Ikebukuro. Au fil du livre, nous voyons le personnage principal évoluer sous nos yeux. Il prend de plus en plus confiance en lui, se fait de nouveaux amis, découvre la musique classique, tombe amoureux pour la première fois… Makoto est un adolescent comme les autres : il se cherche un but dans la vie.

Ce qui m’a plu dans Ikebukuro West Gate Park, c’est que l’auteur nous montre une autre façade de la ville de Tokyo. Le Tokyo des yakuzas, des gangs de rue et des jeunes filles qui se prostituent. Loin, très loin du Tokyo sécuritaire et aseptisé. 

Autre détail sympathique : la musique occupe une place très importante dans le livre. Au fil des pages, Makoto découvre et se passionne pour la musique classique. Une passion qui va commencer avec la Sérénade pour cordes de Tchaïkovski. Quelques références aux Rolling Stones, à Jimi Hendrix ou encore à Prince ponctuent également quelques passages mémorables de l'histoire. 

Le livre contient quelques passages très crus. On se rappellera par exemple de la fameuse scène au Mezzo Piano, un bar plutôt glauque dans lequel des couples se donnent en spectacle devant d’autres couples… 
 Extrait (attention aux âmes sensibles) :
Mako, chuchota-t-elle, si on ne fait rien, ça va paraître bizarre. Ne te gêne pas pour moi.
Elle me prit la main droite et la guida sur son sein. Elle ne portait pas de soutien-gorge. Un ballon si souple sous la main rempli d’un liquide chaud et visqueux. J’avais peur que quelque chose s’écoule entre mes doigts si je serrais trop fort. Je sentis mon sexe se durcir.

L’histoire de Chiaki, une « masseuse » travaillant dans un salon spécialisé en AF (comprendre anal fuck), et de son boyfriend iranien Kassif est également très déroutante. Mais pour une fois qu’il y a un peu de multiculturalisme dans un roman japonais, on ne va pas s’en plaindre! 
Extrait :
En arabe, mon nom signifie « découverte », me dit un jour Kassif. Et Makoto, ça veut dire quoi ?
D’après le dictionnaire, « vérité » ou « sincérité », « jurer devant Dieu ».
Allah akhbar ! s’écria-t-il alors, non sans théâtralité. C’est un nom superbe !
Ça signifie quoi ce que tu viens de dire ?
Dieu est grand.
Ça me fit marrer. Pas une seule fois dans ma vie je n’avais juré devant Dieu.

Le seul petit bémol du livre : la traduction française contient quelques incohérences. La plus surprenante, qui m’a fait tomber de ma chaise, est que la traductrice a osé écrire que le groupe de rock Spitz est composé d’une chanteuse, alors que tout le monde sait que le leader de Spitz est bel et bien un CHANTEUR qui répond au doux nom de Masamune Kusano. Un véritable sex-symbol dans l’archipel nippon. Quelle erreur impardonnable!

En résumé, Ikebukuro West Gate Park est loin d’être un livre conventionnel et sans surprise. C’est un roman policier qui aborde des problématiques comme le décrochage scolaire, le chômage, la criminalité des jeunes, l’immigration illégale, l’inceste… Un livre à ne pas mettre entre toutes les mains, surtout qu’il y a beaucoup de sang, du sexe et pleins de jolies filles (je sens que la psychologie inversée va fonctionner). Si vous êtes un amateur de culture populaire japonaise, je crois que vous aimerez ce livre. Pour les autres, je pense que c’est un livre qui vous fera découvrir une autre facette de Tokyo et du Japon en général. Bonne lecture! 

Ikebukuro West Gate Park, Ishida Ira, 320 pages, Éditions Philippe Picquier.
Environ 8 euros/12 dollars